J'ai préparé l'agrégation de mathématiques à Rennes. Dans cette prépa agreg, on prépare les oraux dès le début de l'année. La philosophie c'est qu'en préparant les leçons, on prépare aussi les écrits. Nous avions des compléments de cours et, une semaine sur deux, un écrit blanc. Durant l'année, chaque binôme est passé sur au moins deux leçons, devant toute la classe.
Travailler seul ou à plusieurs ?
Tout dépend de ses méthodes de travail et de ses préférences. J'ai travaillé toute l'année avec un ami, Bérenger. Le plus gros avantage, à mon sens, de travailler à plusieurs est de toujours garder la tête hors de l'eau: dès que l'un d'entre nous était dans le creux de la vague, l'autre le remotivait. Lorsqu'on prépare les leçons, être à deux permet d'échanger, que ce soit sur l'ordre ou le contenu du plan. Chacun a sa vision des choses, et c'est intéressant d'en discuter pour améliorer son plan de leçon. Bien sûr, on échange aussi avec d'autres personnes de la classe. C'est intéressant également de discuter des développements, que ce soit pour mieux comprendre un passage ou pour réorganiser le contenu. On dit souvent que les maths avancent mieux à la pause café, préparer l'agrégation de mathématiques, c'est un peu pareil !
Quelle était ma méthode de travail ?
Travailler dès le début et (essayer) de ne jamais prendre du retard est une chose qui me semble essentielle. Si on commence à laisser s'accumuler des choses, on ne s'en sort plus. Ce conseil ne marche pas que pour l'agrégation d'ailleurs. Tout au long de l'année, savoir que j'étais (à peu près) à jour m'a permis d'avancer sereinement mon travail, sans avoir peur de ne pas arriver à finir dans les temps. Par ailleurs, ça évite d'avoir des pics de travails quelques jours avant les oraux blancs. Avoir préparé tous mes développements et tous mes plans, mise à part une impasse (et demie) en algèbre et une en analyse m'a permis d'arriver aux oraux en étant un peu plus sereine. Je n'avais au moins pas le stress de tomber sur un couplage d'impasses, par exemple.
Tout au long de l'année, j'ai beaucoup discuté avec une ancienne du magistère de Rennes, Laura GAY, elle m'a expliqué comment elle avait travaillé et m'a donné beaucoup de conseils. Cela m'a beaucoup aidé (merci Laura)! Cela m'a permis de mettre au point une méthode de travail, de savoir les erreurs qu'il ne fallait pas faire, etc. Je détaille ci-dessous comment j'ai travaillé pendant cette année. Evidemment, ce n'est peut-être pas la méthode qui vous conviendra mais peut-être trouverez vous quelques conseils utiles.
Comment j'ai préparé les écrits ?
Comme dit plus haut, j'étais dans une prépa agreg. Un écrit blanc était organisé une semaine sur deux. Au total, il y a eu 6 écrits d'algèbre et 6 d'analyse. A côté de ça, des compléments de cours étaient donnés par l'Université de Rennes 1 et l'ENS de Rennes: des révisions ou des approfondissements. Dès qu'il y a un point que j'avais l'impression de ne pas bien maitriser, je me le notais sur une liste pour travailler dessus. Faire des exercices (on en fait jamais assez) permet de s'approprier la notion. Même si le temps passe vite, c'est important d'en faire. Surtout, n'oubliez pas les exercices appliqués, on perd vite la main et trouver la décomposition de Jordan d'une matrice ne s'invente pas quand on ne l'a jamais pratiquée en vrai. Même si on connait la théorie. En plus de ça, je pense que préparer les leçons m'a permis de vraiment reprendre chaque partie du programme correctement.
Pendant les dernières semaines avant les écrits, j'ai travaillé avec le programme de l'agrégation imprimé. Je surlignais tout ce que je révisais, au fur et à mesure. J'ai relu chaque complément de cours qu'on avait eu pendant l'année, et j'ai repris beaucoup de mes cours de prépa. En plus de cela, j'ai utilisé ce bestiaire d'exercices que j'ai trouvé sur un site (dont je ne me souviens pas le nom). Attention, il contient des erreurs. Vers la fin, je me suis fait quelques fiches de méthodologies: comment trouver la forme de Jordan d'une matrice, comment calculer la transformée de Fourier d'une fonction de \(L^2 \), etc.
Comment j'ai préparé les oraux d'algèbre et d'analyse?
Pour préparer les plans, notre méthode était la suivante: avant chaque présentation de leçon, on lisait le rapport de l'année précédente et on faisait un brainstorming de tout ce qui nous semblait indispensable sur le sujet. (On n'a fait ça seulement les premiers mois car cela nous prenait du temps et ne nous a pas paru indispensable ensuite). Après la présentation, on se réunissait dans une salle de travail à la bibliothèque pour discuter à propos du plan proposé par le binôme. (Merci à eux, nous nous sommes plus ou moins inspirés de leurs plans). A partir de ce plan, de celui d'anciens élèves (voir ici) et de notre brainstorming, on construisait notre plan. Ensuite, chacun à tour de rôle était chargé de le recopier au propre. On a rédigé les premiers plans à la main puis en latex (le code de mise en page latex est librement inspiré de celui de Marie DERRIEN). L'année avançant, nous avons fait des plans de plus en plus personnels. Par exemple, le plan de la leçon 154 est sûrement celui où on a pris le plus de libertés.
Une fois la leçon rédigée au propre, j'en ai appris la trame: titres de sections, livres utilisés et emplacements des développements. L'ordre de chaque section se retient assez facilement après avoir travaillé la leçon, et le contenu de chaque section revient tout seul ensuite. Après tout le temps que nous avions passé la préparer, je trouvais dommage de n'en sortir qu'un "à peu près" le jour J, d'autant plus avec seulement 3h de préparation d'oral.
Concernant les développements, notre méthode était la suivante: à partir de différentes versions écrites (tirées de livres ou d'anciens élèves) du développement choisi, on préparait notre version du développement. Il faut bien comprendre chaque ligne du développement. Ensuite on se le présentait mutuellement au tableau. Cela nous a permis de corriger d'éventuelles erreurs, de voir si certains passages étaient trop rapides mais aussi de s'entraîner à écrire au tableau (à craie ou blanc). Ensuite, une fois mis au propre, j'en ai retenu les grandes étapes. Cela suffit pour savoir refaire le développement en entier puisque vous savez faire des mathématiques ! Pendant les dernières semaines avant les oraux, nous nous retrouvions dans une salle de classe et chacun faisait des développements tirés au sort, devant l'autre. Il fallait s'entraîner pour savoir si on connaissait chaque développement mais il fallait surtout que chacun d'eux rentre dans les 15 min imparties. Plus nous avançions dans l'année et plus nous étions rapides sur certains développements. Il faut alors prendre le temps de choisir sur quels passages aller plus vite et sur quels arguments prendre plus de temps.
Comment préparer l'oral de modélisation (Option Probabilités-Statistiques) ?
Pour l'oral de modélisation, nous avons eu des compléments de cours. La chose la plus importante, je pense, c'est de connaître les gros théorèmes (LGN, TCL, théorèmes de convergence des martingales etc). Si vous ne les connaissez pas, un contexte d'utilisation du TCL ou de la LGN vous passera sous le nez sans que vous ne le voyiez, alors que si vous savez (même à peu près) les hypothèses des théorèmes d'arrêts, par exemple, vous y penserez et pourrez vérifier avec votre livre de proba favori si elles sont toutes vérifiées.
Nous avions également des séances de texte. Comme pour les leçons, nous préparions un texte de modélisation et le présentions ensuite devant la classe. L'exposé, d'une durée de 35 minutes, ne doit pas être une suite de démonstrations. Il est important de poser un cadre au texte, de soulever un problème et de chercher à le résoudre. Les simulations sont là pour illustrer le problème, servir de conjecture avant de démontrer un résultat, etc. Il faut toujours essayer d'expliquer en quoi le nouveau résultat permet d'avancer dans la résolution du problème. En moyenne, je comptais 10 à 15 min de démonstrations et le reste du temps me permettait de présenter le modèle et le problème, lancer les simulations, changer les paramètres des simulations (très important !), faire le lien entre chaque et surtout conclure. Avant de lancer chaque simulation, il peut être intéressant d'expliquer ce à quoi on s'attend, en fonction des paramètres.
Pour s'entraîner aux simulations, nous avions des séances de TP. J'ai assisté à chacune d'elle et cela m'a permis d'avoir les programmes de base en tête: il faut savoir programmer (ne cherchez pas à les apprendre par coeur mais comprenez ce que vous devez faire !) une méthode de Monte-Carlo, un intervalle de confiance, une convergence en loi avec un histogramme ou avec les fonctions de répartition, les tests statistiques les plus courants (Chi-deux et Kolmogorov-Smirnov)(ces derniers sont parfois un peu plus durs à reprogrammer, alors sachez les retrouver rapidement dans un livre). C'est une liste non exhaustive.
Et les livres pour les oraux ?
Avec Bérenger, nous avions choisi de faire notre propre malle de livre pour passer les oraux à Lille. Nous savions que tous les livres dont nous aurions besoin étaient dans nos valises, on était sûrs de les trouver, ce qui nous a permis d'être plus sereins. Nous avons eu la chance de passer à des dates différentes (et encore plus de chance de passer à des dates consécutives !). Pour collecter ces 80 livres, nous en avons empruntés une vingtaine à Centrale Lyon (merci Laura !), on en avait achetés certains, d'autres nous ont été prêtés par Laura, et le reste a été emprunté à la bibliothèque de Beaulieu et à l'ENS de Rennes. Voici la photo des monstres pour l'épreuve de modélisation (à gauche) et celle d'algèbre (à droite):
Beaucoup d'élèves de la classe ont choisi de se servir des malles et/ou de la bibliothèque de l'agreg. Je ne crois pas que quelqu'un ait eu un problème dans la classe. Pour ce qui est des malles, elles ont vite étaient en désordre: certains ont retrouvé des livres de Strasbourg dans la malle de Rennes par exemple. Concernant la bibliothèque de l'agrégation, Adrien Vinçotte avait l'air d'en être content. L'avantage était qu'un intervenant était chargé de remettre les livres au bon endroit à chaque fois et on pouvait demander un livre précis à la personne en charge de la salle, sans avoir à le chercher dans toutes les piles de livres.